Le droit de retrait à l’heure du coronavirus

Qu’est-ce que le droit de retrait ?

D’abord, un point sur le droit existant.

Le droit de retrait est encadré par les dispositions de l’article L.4131-1 du code du travail : 

« Le travailleur alerte immédiatement l'employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de protection.

Il peut se retirer d'une telle situation.

L'employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d'une défectuosité du système de protection ».

L’article L.4131-1 du code du travail confère ainsi aux salariés un pouvoir d'initiative.

En effet, dans une situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, le salarié peut :

  • signaler immédiatement une telle situation à l'employeur ou à son représentant ;

  • se retirer de cette situation.

Une limite est précisée à l’article L.4132-1 du code du travail : « le droit de retrait est exercé de telle manière qu'elle ne puisse créer pour autrui une nouvelle situation de danger grave et imminent ».

Le salarié qui exerce son droit de retrait doit donc veiller à ne pas créer, par l’exercice de son droit, une situation de danger pour ses collègues de travail.

A noter : en pratique, lorsqu’un salarié décide d’exercer son droit de retrait, il lui est fortement recommandé d’en informer son employeur par écrit afin qu’il puisse en conserver la preuve.

Le salarié peut également en informer l’inspection du travail, même s’il n’en a pas l’obligation.


Puis-je invoquer la crise sanitaire pour exercer mon droit de retrait ?

Il ne faut pas perdre de vue que le droit de retrait vise une situation particulière de travail et non une situation générale et nationale de pandémie.

En l’état du droit, un salarié ne pourrait donc vraisemblablement pas exercer son droit de retrait sur la seule base de l’existence du virus Covid 19.

Concrètement et à titre d’exemple, un salarié en télé-travail ne pourrait pas se contenter d’invoquer la pandémie pour justifier l’exercice d’un droit de retrait et cesser ipso facto toute prestation de travail.

En revanche, le droit de retrait pourrait trouver à s’exercer si, dans le contexte de pandémie, un employeur ne mettait pas en œuvre les dispositions prévues par le Code du travail et les recommandations nationales visant à protéger la santé et à assurer la sécurité de son personnel exposé (comme par exemple une organisation du travail qui permettrait d’appliquer, au minimum, les gestes « barrière »), et s’il n’informait pas et ne préparait pas son personnel (notamment dans le cadre des institutions représentatives du personnel).

A retenir : Le droit de retrait s’apprécie au cas par cas, en fonction de la situation de travail concrète du salarié.


Quels sont les risques ?

Aucune sanction ni aucune retenue de salaire ne peut être prise à l'encontre d'un travailleur qui se serait retiré d'une situation de travail dont il avait un motif légitime de penser qu'elle présentait un danger grave ou imminent pour lui.

Encore faut-il que l’exercice du droit de retrait soit considéré comme légitime.

En effet, le salarié peut, en revanche, être sanctionné en cas de retrait non fondé sur un motif raisonnable : il s'expose, le cas échéant, à une retenue sur salaire, à une sanction disciplinaire, voire à un licenciement. 

En cas de litige, il reviendrait aux tribunaux d’apprécier au cas par cas et a posteriori si les conditions d’exercice du droit de retrait sont réunies et si la sanction éventuellement prononcée par l’employeur est fondée ou non. 

A noter : l'appréciation par un juge du motif raisonnable que peut avoir un salarié de penser qu'il existe un danger grave et imminent de nature à justifier l'exercice du droit de retrait est souveraine.

Il est dès lors conseillé au salarié qui décide d’exercer son droit de retrait de conserver, dans la mesure du possible, tout élément de preuve de nature à démontrer qu’il avait un motif raisonnable de penser que ses conditions de travail présentaient un danger grave et imminent.


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